THÈME. L’époque contemporaine a vu les principes chers au néolibéralisme percoler dans à peu près tous les domaines de la vie sociale (montée de l’individualisme, responsabilisation, etc.). Cette logique imprègne en grande partie la justice criminelle. Dans ce contexte, la notion de responsabilité est souvent mobilisée d’une manière désocialisée ou décollectivisée, ce qui constitue un angle mort majeur au sein de la recherche en criminologie critique. Bien que ce concept plane souvent en filigrane dans la recherche, peu de chercheurs l’abordent de front. La responsabilité peut se penser à une échelle institutionnelle, organisationnelle ou collective : responsabilité du droit, de l’État (tribunaux, polices, systèmes correctionnels, etc.) et des collectivités. La tendance lourde à l’individualisation de la responsabilité a pour effet d’évacuer les enjeux sociaux, économiques, politiques et structuraux qui paramètrent le contexte dans lequel prennent forme et se perpétuent toutes sortes d’injustices et d’oppressions, par exemple, colonialisme, violences, stigmatisation, profilages, torts, souffrances. Ainsi, le risque est grand pour que cette individualisation mène à une déresponsabilisation collective, libérant ainsi les institutions, les gouvernements, les grandes corporations, mais également l’ensemble des acteurs impliqués (collectivités, chercheurs, intervenants, citoyens, etc.) de leurs responsabilités envers les groupes vulnérabilisés et les professionnels qui les soutiennent.
Dans ce contexte, quelles seraient les responsabilités de la communauté scientifique ? Comment éviter d’alimenter les rouages liés aux mécaniques de stigmatisation et de surresponsabilisation des individus?
THEME. Contemporary times have witnessed core tenets of neoliberalism percolate into just about every area of social life (e.g. rise of individualism, responsibilization, etc.). This logic permeates in much of the criminal justice. In such context, the concept of responsibility is desocialized and decollectivized; this represents a major blind spot within critical criminology research. Although this concept is implied regularly in the backdrop of scholarly research, few researchers address it upfront. Responsibility can be thought of at an institutional, organizational or collective level: responsibility of the law, state responsibility (courts, law enforcement, correctional systems, etc.) and community responsibility. The increased trend towards individualized responsibility tends to conceal the social, economic, political and structural issues it undergirds. Consequently, this determines the context in which injustices and oppressions take shape and perpetuate colonialism, violence, stigmatization, profiling, harm, suffering, and so on. The prominent risk of such individualization can therefore lead to a lack of collective accountability; releasing institutions, governments, large corporations, and all actors involved (i.e. communities, researchers, social workers, citizens, etc.) from their responsibilities towards vulnerable groups and the professionals who support them.
Under these circumstances, what would be the responsibility of the scholars’ community? How can we avoid contributing to the mechanisms associated with stigmatization and the overresponsibilization of individuals?